Les pionniers - H. Schreiber |
( documents Jean François Chevalier )
COMMENT FONCTIONNE
L'ANTIGRAVITRON
Présenté
comme « poisson » dans notre numéro de mars AVRIL, exposé
aux foules au Salon des Composants, l'ANTIGRAVITRON est né d'une
idée de H. Schreiber qui, dans l'article ci-après, va expliquer
la genèse, préciser le fonctionnement et décrire le montage
de cet appareil riche d'applications.
La photo ci-contre montre
le taille-crayon en suspension libre, avec l'ampoule cadran à gauche,
et à droite, la photodiode qui, au Salon, était camouflée
par un panneau d'Isorel perforé.
[Rappelons que le dispositif a fait et fera l'objet de demandes de brevets
en France et à l'étranger.]
Principe de fonctionnement
Il est bien difficile d'expliquer en quelques mots, à un profane,
ce qu'est un servomécanisme. Mais si, au lieu de se servir seulement
de mots, on accompagne l'explication par une démonstration faite sur
un appareil en fonctionnement, la compréhension pourra s'établir
beaucoup plus vite. Si on désire, de plus, que l'enseignement ainsi
acquis reste profondément ancré dans la mémoire, la meilleure
chose à faire est de rendre spectaculaire l'application prise comme
exemple. Généralement, on ne manquera alors pas d'éveiller,
chez le profane, une certaine admiration respectueuse devant les possibilités
de l'électronique.
L'appareil de démonstration
que nous avons mis au point en suivant ces idées générales,
est basé sur un principe très simple (fig. 1). Il s'agit de
maintenir librement, dans l'air, une petite boule de tôle, en l'occurrence
une mappemonde contenant un taille-crayon, telles qu'on les vend dans certaines
papeteries. Pour cela, on dispose d'un électro-aimant dont le courant
d'excitation est proportionnel à l'éclairement d'une cellule
photoélectrique. En face d'une petite ampoule de cadran, cette cellule
est disposée de façon que la boule coupe le rayon lumineux lorsque,
attirée par l'électro-aimant, elle s'élève vers
celui-ci. L'éclairement de la cellule - et simultanément le
courant dans l'électro-aimant - diminuent donc au fur et à mesure
que la mappemonde s'approche du noyau de fer qui l'attire. La force d'attraction
va ainsi diminuer jusqu'à ce que la boule ait trouvé une position
d'équilibre où elle va se maintenir indéfiniment, et
cela malgré les chocs ou les courants d'air par lesquels on peut essayer
de la déplacer. Il est alors possible d'animer la boule d'un mouvement
de rotation ; comme seuls le frottement de l'air et les courants de Foucault
exercent un freinage, ce mouvement peut se maintenir très longtemps
(plusieurs minutes).
Comme on le voit sur les photos,
c'est le pôle nord de la mappemonde qui se trouve dirigé vers
le haut à l'équilibre. Ce résultat a été
obtenu en enlevant le taille-crayon (qui se trouvait au pôle sud) et
en le remplaçant par deux rondelles de bakélite maintenues par
une vis. En ajustant soigneusement la position de cette vis, on peut s'arranger
pour que ce soit toujours le pôle nord magnétique (au voisinage
des iles au nord du Canada) qui se trouve en haut, détail qui ne manque
pas de surprendre les curieux.
Le schéma
Le schéma de notre
appareil de démonstration a été reproduit dans la figure
2. On voit qu'il est entièrement équipé de semi-conducteurs
(Cosem) : bien entendu, il aurait également été
possible de le réaliser avec des tubes à vide ou autres éléments
amplificateurs.
Le circuit d'alimentation
comporte deux diodes au silicium SFR 151 ; le filtrage, relativement
sommaire, est effectué par un condensateur de 1000 µF (C2).
La résistance R6 protège, lors de la mise en route,
les redresseurs contre toute surintensité nuisible. La tension d'alimentation
pour la photodiode et les deux transistors préamplificateurs est obtenue
par un diviseur de tension ; on évite ainsi qu'une puissance inutilement
grande soit dissipée dans l'avant-dernier étage. Une résistance
de protection R3 a été prévue en série
avec la photodiode dont le courant inverse (qui est fonction de l'éclairement)
commande la base du premier transistor (SFT352). La résistance R4
dérive, vers le positif de l'alimentation, une partie du courant d'obscurité
de la photodiode ; elle a été choisie de façon que,
en l'absence d'éclairement, le courant dans la bobine soit de l'ordre
de 50 mA. Pour obtenir un courant de repos encore plus faible, il suffit de
diminuer cette résistance. Il est évident qu'on observera alors
une diminution du gain de l'amplificateur qu'il faudra compenser par un éclairement
plus intense.
L'enroulement de l'électro-aimant se trouve inséré dans le circuit de collecteur du transistor de puissance SFT213, qui est précédé des deux étages d'amplification travaillant en collecteur commun. La seule particularité de ce préamplificateur consiste dans le circuit R5-C1, destiné à compenser la constante de temps thermique des transistors. Le graphique de la figure 3 illustre l'effet de cette caractéristique assez peu connue du transistor. Quand on applique une impulsion de tension (VB) sur la base, le courant de collecteur (IC) croit d'abord, d'une façon très rapide, jusqu'au point A. La durée de cette montée ne dépend que des capacités internes du transistor et de la réactance de charge ; elle est suffisamment courte pour qu'on puisse la négliger devant l'inertie de la boule de tôle. Il n'en est pas de même du phénomène qu'on observe pendant les 20 ou 25 ms suivantes ; l'augmentation du courant de collecteur est alors due à l'échauffement de la jonction, provoqué par la puissance dissipée. Au point B, la capacité calorifique de la jonction peut être considérée comme chargée ; l'augmentation très faible et lente qui suit s'explique par l'échauffement progressif du boîtier ou du radiateur du transistor. La constante de temps thermique de la jonction est, pratiquement pour tout transistor, de l'ordre de 8 ms.
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Pour la compenser, il suffit
de prévoir un circuit R-C de constante de temps égale. Celle
de la correction utilisée ici est, en fait, de 16 ms, car elle doit
compenser l'effet thermique de deux transistors. Dans le premier étage,
les différences de niveau restent suffisamment faibles pour que l'effet
de la dissipation ne soit pas sensible. Si on ne prévoit pas de compensation
de la constante de temps thermique, c'est-à-dire si on relie l'émetteur
du premier étage directement à la base du deuxième, le
système devient instable. Après mise en place, la boule commence
à osciller avec une amplitude grandissante et sort très rapidement
du champ d'attraction de l'aimant.
Le noyau de cet électro-aimant
possède une section de 20 X 14 mm ; sa longueur est de 85 mm. La carcasse
supporte un enroulement dont la section est de 50 X 15 mm ; elle est
entièrement remplie de fil de 0,45 mm de diamètre bobiné
en spires jointives. La résistance de l'enroulement est de l'ordre
de 35 ohms en courant continu.
Les tensions mesurées
aux divers points du montage, la mappemonde étant en place, ont été
indiquées dans le schéma de la figure 2. De plus, le graphique
de la figure 4 montre le courant dans l'électro-aimant en fonction
du poids attiré, la distance entre la boule et le noyau étant
de 1 cm. Dans ces conditions, l'équilibre devient précaire à
partir de 26 g environ ; il suffit alors du moindre courant d'air pour que
l'aimant lâche sa prise. En diminuant la distance, ou en augmentant
la puissance de J'amplificateur, on peut, évidemment, obtenir un fonctionnement
correct pour des poids supérieurs.
Applications
Nous avons déjà indiqué que cet appareil n'a été construit dans aucun autre but que celui de la démonstration. Cela n'empêche qu'on trouvera certainement des applications du principe sur lequel il est basé. Ainsi, ne vous est-il jamais arrivé d'avoir peint une pièce métallique sur toutes ses faces et de ne pas avoir su, ensuite, sur laquelle la poser pour la faire sécher ?
H. SCHREIBER.
L'appareil décrit a été réalisé
à l'Institut Supérieur d'Electronique de Paris.
Toute la Radio
– Juin 1961